Distribution agricole Futur grossiste ou acteur stratégique du conseil ?
Alors que la séparation du conseil et de la vente des produits phytos se dessine, les distributeurs planchent pour transformer le modèle et rester présents demain dans la vente comme dans le conseil. Nos 12es Rencontres en ont été le témoin.
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La séparation du conseil et de la vente pour les produits phytos aura bien lieu. L'Assemblée nationale l'a confirmée le mois dernier. Cela étant dit, le bout du tunnel législatif n'est pas encore tout à fait atteint, car ce qui n'a pas été clarifié dans l'article 15 de la loi issue des EGalim fera l'objet de négociations dans le cadre de la rédaction d'une ordonnance. Elle devra, au maximum six mois après la promulgation de la loi, statuer sur le degré de séparation capitalistique et sur la nature du conseil en question : conseil de préconisation, tel le médecin, conseil à l'utilisation du produit, tel le pharmacien, ou conseil d'accompagnement plus global. « Concernant le calendrier, cette séparation ne serait effective, au plus tôt, qu'à la fin du printemps, mais pourrait aussi se décaler à la fin de l'année 2019 », indique le consultant Jean-Nicolas Simon.
Garder la main sur le conseil
Onze participants, dont Jean-Nicolas Simon, ont été conviés à échanger dans nos locaux le 29 août à propos de l'impact de la séparation. Le but étant déjà d'y voir un peu plus clair dans les orientations de la loi, mais aussi de faire émerger des pistes de réflexion et présenter quelques initiatives de distributeurs. Même s'ils n'évacuent pas totalement la vente, les acteurs de la distribution autour de la table se sont positionnés d'abord comme acteurs du conseil. Reste à savoir comment le valoriser.
Ces 12es Rencontres d'Agrodistribution ont d'abord fait état d'un débat national réducteur, notamment au sujet de la notion de conseil phyto, « un non-sens », selon Vincent Magdelaine, chez Coop de France, un « faux débat », selon l'agriculteur François Jacques, « puisqu'on se dirigeait dans cette direction de toute manière avec le développement du e-commerce ». La distribution a jusqu'ici avancé à reculons sur le sujet de la séparation. Les chefs d'exploitation sont, eux, moins catégoriques, comme le montre notre sondage ADquation-Agrodistribution ci-dessus, même si, vu les ambiguïtés autour du sujet, tous ne semblent pas l'interpréter de la même manière. « Séparer les deux, c'est une bonne chose, lâche l'agriculteur Florent Thiebaut. Si la prestation de conseil doit être payante, l'agriculteur va devenir plus autonome, et revenir à plus de technique, plus de terrain. » « Certains se disent qu'ils vont acheter les produits moins chers, d'autres qu'ils vont pouvoir s'affranchir de cette facturation de conseil », analyse François Jacques. « Ne sommes-nous pas, dans la distribution, coresponsables de ces résultats, en entretenant le flou, s'interroge d'ailleurs Jean-Xavier Mullie, chez Agora.A savoir, dans la marge d'un produit, quelle est la partie qui correspond à la distribution, et quelle est la partie qui correspond au financement du conseil ? »
Les résultats de notre enquête concernant l'indépendance commerciale du TC sont plus flatteurs. Dès demain, avec la séparation, Vincent Magdelaine craint, à l'image des visiteurs médicaux, la multiplication des « visiteurs phytos », comme en Angleterre, qui vont chercher à toucher le conseiller indépendant. « Aujourd'hui, le conseiller de la coopérative ou du négoce est indépendant des firmes, rappelle-t-il. Historiquement, il se faisait payer des voyages, mais ça ne se fait plus depuis des années. »
« On n'est pas prêt ! »
Si la séparation, doublée de la fin des 3R, risque de fragiliser la distribution de proximité, nos 12es Rencontres se sont inscrites dans une perspective beaucoup plus large de mutation du métier. Pour Jean-Nicolas Simon, « les phytos, c'est l'épiphénomène, mais en revanche la séparation va boulever complètement le modèle économique ». Et de poser deux questions à traiter rapidement : Comment optimiser la vente ? Quelle valorisation et quelle facturation du conseil ? « On a les moyens d'y répondre, admet Eric Barbedette, d'Actura, mais ça va tous nous amener à faire un grand toilettage. Le système est en train de se libéraliser, et on n'est pas encore rentré dans cette réalité économique de demain. On n'est pas prêt ! » n
DOSSIER RÉALISÉ PAR RENAUD FOURREAUX, PHOTOS YANN DERET
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